L'Invalide
Page 1 sur 1
L'Invalide
L'invalide
La nuit, quand tout se tait et dort sur l’Esplanade,
A l’horizon lointain mugit la canonnade !
Des rêves glorieux ont visité l’Hôtel,
Soudain, chaque bataille, au renom immortel,
Fille du peuple libre ou fille de l’Empire,
Prend un corps et, vivante, elle marche et respire.
Fleurus, demi-vêtue et le sein palpitant,
Croise la baïonnette, et triomphe en chantant.
Embabeh, refoulant les Arabes timides,
Contemple l’Orient du haut des Pyramides.
Vengeant de tristes jours de défaite et d’affront,
Marengo pleure un brave ; Austerlitz à son front
Porte des rayons d’or éclatants comme un phare,
Et sur des lacs de glace entonne sa fanfare,
Voici venir Wagram et la sanglante Eylau ;
Pâle de désespoir, voyez-vous Waterloo,
Au milieu des moissons que la guerre a foulées,
Disputer aux Anglais ses aigles mutilées ?
Entendez-vous encor, par la paix endormis,
S’éveille r en grondant les canons ennemis ?
Entendez-vous frémir comme au gré de la bise
Les drapeaux suspendus aux voûtes de l’église,
Et que peut contempler l’invalide joyeux,
Quand il élève au ciel sa prière et ses yeux ?
Alors les vieux guerriers se raniment ; leur bouche
A retrouvé des dents pour mordre la cartouche ;
Feuillage printanier des arbres rajeunis,
Les cheveux ont couvert leurs crânes dégarnis.
Comme un fleuve ses bords, le sang bat leurs artères ;
Ils renaissent au jour des fastes militaires,
Et leur jeunesse ardente, avide d’un grand nom,
Est digne qu’on la risque en face du canon.
Ils se lèvent : Pour eux la lutte recommence ;
Ils reprennent un rang dans la colonne immense.
Soldats de vingt pays, esclaves de vingt rois,
Anglais, Autrichiens, Prussiens, Bavarois,
Opposent à leurs coups une épaisse muraille,
Que perce et démolit l’incessante mitraille,
Mille ennemis sont là ; mais eux, vaillants et forts,
Rompent des bataillons, escaladent des forts ;
Et si, dans la mêlée, un boulet les emporte,
Si la balle en passant les renverse, qu’importe ?
Car, pour les voir tomber et mourir sans terreur,
Ils ont deux grands témoins,
la France et l’Empereur.
Hélas ! Bientôt la nuit, la mère des mensonges,
Dans les plis de sa robe emporte tous les songes !
Le matin reparait, mais il ne reste plus
Que de pauvres soldats, éclopés et perclus,
Débris de corps humains, vieilles lames rouillées
Par l’âge et les combats moitiés dépareillées.
Ils accueillent souvent par un juron brutal
La goutte qui les tient sur un lit d’hôpital ;
Mais leur caducité s’entoure de trophées ;
Au feu des souvenirs leurs âmes réchauffées
Vers un passé sublime ont repris leur essor ;
Ils ont rêvé de gloire !…Ils sont heureux encor
Source : Les Français peints par eux-mêmes. Encyclopédie morale du XIXe siècle.
Invité- Invité
Re: L'Invalide
Qui est l'auteur de ce magnifique poème ?
_________________
"...Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, souriant à la mitraille anglaise, la Garde Impériale entra dans la fournaise ..." ( V. HUGO)
"... Un homme n'est jamais aussi grand, que lorsqu'il s'agenouille, pour aider un enfant ..."
"... Il dort, quoique la vie, pour lui, fut bien étrange, il vivait. Il mourut lorsqu'il n'eut plus son ange. La chose se fit doucement, pas à pas, comme vient la nuit lorsque le jour s'en va ..." (V.HUGO. Les Misérables)
La Poudre- Grenadier
-
Nombre de messages : 3534
Age : 68
Date d'inscription : 23/06/2006
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum